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what do we deserve now? [Euphrosyne. ]
Dim 2 Jan 2011 - 17:38
D’un geste rapide, presque machinal, je replaçais une mèche de cheveux derrière mon oreille. Mes prunelles anthracites accrochèrent mon reflet livide qui me contemplait de son éternelle expression perplexe. Voilà une bien pâle réplique de la Joséphine que j’avais été. Je n’étais même plus droite et digne, mes épaules venaient de s’affaisser, comme si je les avais délestées d’un poids trop important, se relâchant automatiquement après l’effort. Je lâchais un profond soupir, comme épuisée de ces journées qui n’en finissaient plus, une ride soucieuse barrait désormais mon front qui n’allait plus tarder à être définitivement marqué de mes soucis. Mon cœur se tordit douloureusement, tandis que mes ongles pianotaient nerveusement sur le bord du lavabo. Quelques minutes plus tard, après un bref reniflement, j’actionnai le robinet qui délivra un fin filet d’eau. Je me savonnai les mains puis les frottai l’une contre l’autre, comme l’automate que j’étais devenue au terme de toutes ces années. Mes yeux se perdirent à nouveau dans mon reflet, sur ce visage qui me répugnait tant, sur ces cernes violacées, cette peau bien trop blême. La succession de ces nuits sans sommeil commençait lentement mais sûrement à marquer ma chair. J’étais fatiguée, lassée, émotionnellement usée. Mes pensées se bousculaient dans mon esprit bien trop étroit, et s’entrechoquaient parfois très désagréablement. Liam. Mon père. Encore Liam. Ma mère. Jules. Les cours dans lesquels j’accumulais un retard considérable que j’éprouvais de plus en plus de difficultés à rattraper. Liam, encore. Ces quelques jours passés dans le coma. J’allais mal, de toute évidence. Cela se voyait-il à ce point pour que l’on me regardât telle une moribonde à chaque fois que je daignais me mêler au reste du monde? J’entendais ces voix. Ces rumeurs. Tous ces bruits qui couraient sur moi. Sur Liam. Sur notre couple. Rumeur que, pour certaines, j’espérais infondées. « il finira par la tromper. Tout comme il a fini par tromper Sarah. L’histoire se répètera encore, inlassablement. Les hommes n’apprennent jamais de leurs erreurs. » Les paroles d’une fille ayant probablement déjà été blessée par l’amour. Ou tout simplement les mots d’une jalouse. Automatiquement, mes pensées dévièrent sur ce qu’il m’avait avoué à l’hôpital.
Il finira par la tromper. Tout comme il a trompé Sarah. Un baiser échangé. Mais pas avec moi. Celui là, c’était avec Nell. Il avait embrassé sa meilleure amie alors qu’il était avec moi. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais plus. En fait, je ne voulais même pas comprendre. J’avais trop peur de réaliser tout ce que cela impliquait. Mais pourquoi, alors? Pourquoi s’était-il entêté à rester à mes côtés même dans mes heures les plus sombres? Pourquoi me tenait-il la main quand j’ai failli mourir s’il ne voulait plus de moi? Je devais à me faire à l’idée de toute manière. Nell était importante dans sa vie. Tout comme Sarah faisait partie de lui et resterait quoiqu’il arrive son premier amour. Je n’étais que Joséphine, celle qui venait après. La pièce rapportée, la cinquième roue du carrosse. Il finira par la tromper. oh, s’ils savaient. S’ils savaient ô combien ils pouvaient avoir raison. S’ils savaient que c’était déjà fait. Une larme traîtresse s’échappa de mes prunelles métalliques pour tracer un sillon humide et brûlant sur ma joue blême. Perle d’eau salée que je chassai d’un revers de main rageur. J’étais déchue, le cœur en lambeaux. Je faisais peine à voir, ainsi éjectée de mon piédestal. Ma main fureta dans mes cheveux, mes bracelets tintèrent joyeusement, quand bien même j’aurais la mort dans l’âme. Mes prunelles argentées effleurèrent un instant la surface lisse du miroir, s’animant d’une profonde lueur dégoûtée. Je m’aspergeai bientôt le visage d’eau, tentative dérisoire de calmer la brûlure de mes joues. Nouveau reniflement. Mon champ de vision quant à lui se rétrécissait, se couvrant d’un linceul opaque, tandis que les souvenirs douloureux surgissaient du plus profond de mon âme, là où je les avais enfouis en espérant ne plus jamais y penser. C’était peine perdue, maintenant que la vanne était ouverte, ce raz-de-marée déferlait en moi, tandis que des vagues de désespoir montaient en moi.
« On te l’avait dit, Joséphine. Mais comme d’habitude, tu ne veux jamais nous écouter. » La voix d’Allan se détacha de toutes les autres, chargée de reproches. C’était le lendemain de mon admission à l’hôpital de Norwich, où Liam m’avait emmenée après m’avoir trouvée inerte dans ma cuisine. Je ne regardais pas mon père. Comme d’habitude, je méprisais, je dédaignais. Plus le temps passait, et plus l’indifférence me gagnait. Il vint inévitablement un temps où j’étais enfin imperméable aux reproches. Sophie, cependant, semblait davantage clémente. Ce n’était qu’une apparence. « Tu ne peux pas t’éloigner de la maison sans qu’il ne t’arrive une catastrophe. L’autre fois tu es revenue enceinte et cette fois on nous appelle en urgence pour que l’on s’entende dire que tu as frôlé la mort. Mais qu’allons-nous faire de toi? » Mes prunelles grises se fixèrent dans le regard céruléen de ma mère adoptive, mes lèvres demeurant résolument pincées. En réalité, je me serrais les poings, à m’en écorcher la paume de mes longs ongles, luttant contre l’envie grandissante de me rouler en boule et de pleurer toute les larmes de mon corps. Je ne pus faire autrement que d’encaisser bravement, comme à chaque fois. De toute manière, ils n’en avaient rien à faire de mes piètres tentatives de me défendre. «Tu as vingt deux ans ma fille, il serait peut-être temps de prendre tes responsabilités une bonne fois pour toutes. » Je me crispai davantage, mes dents s’entrechoquèrent furieusement, tandis que je déglutissais avec difficulté. Je ne baisserai ni la tête, ni le regard. Je n’étais pas encore tombée aussi bas que d’être en état de soumission. Indifférente, ma mère poursuivit sa diatribe, peu regardante de mon état actuel. « C’est avec toi que Jules doit vivre, c’est toi sa mère. Il est temps que tu élèves ton fils Joséphine. » Je ne pouvais pas protester, quand bien même je l’aurais voulu. « Débrouille toi comme tu veux mais il ira en Angleterre, avec toi. Ta petite mascarade commence à bien faire. Il est hors de question que tu continues à t’amuser comme tu le fais si c’est pour nous refiler ton gosse. Nous ne t’avons pas élevée comme ça, ma fille. Je n’aurais jamais pensé que tu tombes aussi bas que les salopes de ton école. » Salope. Le mot était lâché. Mon cœur manqua un battement, mais je ne cillai pas. À la place, je me contentais d’agripper un peu plus le rebord de la table la plus proche. Je voulais m’y tenir pour ne pas défaillir. Salope. Le mot rebondit dans ma tête plusieurs fois, comme le plus ignoble des supplices, m’écorchant à chaque rebond. Dans un souffle, j’osai enfin répliquer quelque chose. N’importe quoi. Mais par pitié, qu’elle parle! « Tu laisses mon copain en dehors de cette histoire, veux-tu? Ce n’est pas ton problème s’il est plus jeune que moi, c’est le mien, et c’est moi que ça regarde. Je te serais gréée de ne pas te mêler de mes histoires personnelles. » J’étais d’apparence calme et posée, mais en réalité il n’en était rien. Je bouillais de l’intérieur, une colère sourde battait dans mes veines. Sur ce, j’avais tourné les talons, ignorant les cris de ma mère qui m’intimaient pourtant de revenir.
Voilà où j’en étais à présent. Seule, pauvre amoureuse meurtrie. De retour à Norwich, mais je n’étais plus seule désormais. Mon fils habitait chez moi, et Mya le gardait quand j’allais à l’école. Mais tôt ou tard, j’allais devoir trouver une autre nourrice, il arriverait bien un jour le moment où Mya reprendrait à son tour l’école. J’aviserai. C’était en attendant. Et tout aussi en attendant cela était-ce, la situation demeurait pesante. J’étais dans une impasse. Je ne parlais plus à mes parents, Liam m’avait trompée, et je devais m’occuper à présent de Jules tout en essayant de gérer mes cours et les devoirs qui allaient de pair. Je soupirai profondément. Voilà le portrait de cette fin d’année 2010, j’espérais vraiment que 2011 allait se présenter sous de meilleurs auspices. Le robinet continuait de se déverser dans les entrailles de l’école, alors que je m’étais davantage appuyée contre le lavabo, tête baissée. Mes talons claquèrent impatiemment au sol. La porte des toilettes s’ouvrit dans un léger grincement mais je n’en avais cure. Mes prunelles grises demeuraient obstinément closes, mon visage préférait se dissimuler derrière un voile de cheveux clairs. Je n’en pouvais plus de pleurer, ces derniers jours je l’avais fait bien trop souvent.
Il finira par la tromper. Tout comme il a trompé Sarah. Un baiser échangé. Mais pas avec moi. Celui là, c’était avec Nell. Il avait embrassé sa meilleure amie alors qu’il était avec moi. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais plus. En fait, je ne voulais même pas comprendre. J’avais trop peur de réaliser tout ce que cela impliquait. Mais pourquoi, alors? Pourquoi s’était-il entêté à rester à mes côtés même dans mes heures les plus sombres? Pourquoi me tenait-il la main quand j’ai failli mourir s’il ne voulait plus de moi? Je devais à me faire à l’idée de toute manière. Nell était importante dans sa vie. Tout comme Sarah faisait partie de lui et resterait quoiqu’il arrive son premier amour. Je n’étais que Joséphine, celle qui venait après. La pièce rapportée, la cinquième roue du carrosse. Il finira par la tromper. oh, s’ils savaient. S’ils savaient ô combien ils pouvaient avoir raison. S’ils savaient que c’était déjà fait. Une larme traîtresse s’échappa de mes prunelles métalliques pour tracer un sillon humide et brûlant sur ma joue blême. Perle d’eau salée que je chassai d’un revers de main rageur. J’étais déchue, le cœur en lambeaux. Je faisais peine à voir, ainsi éjectée de mon piédestal. Ma main fureta dans mes cheveux, mes bracelets tintèrent joyeusement, quand bien même j’aurais la mort dans l’âme. Mes prunelles argentées effleurèrent un instant la surface lisse du miroir, s’animant d’une profonde lueur dégoûtée. Je m’aspergeai bientôt le visage d’eau, tentative dérisoire de calmer la brûlure de mes joues. Nouveau reniflement. Mon champ de vision quant à lui se rétrécissait, se couvrant d’un linceul opaque, tandis que les souvenirs douloureux surgissaient du plus profond de mon âme, là où je les avais enfouis en espérant ne plus jamais y penser. C’était peine perdue, maintenant que la vanne était ouverte, ce raz-de-marée déferlait en moi, tandis que des vagues de désespoir montaient en moi.
**flashback**
« On te l’avait dit, Joséphine. Mais comme d’habitude, tu ne veux jamais nous écouter. » La voix d’Allan se détacha de toutes les autres, chargée de reproches. C’était le lendemain de mon admission à l’hôpital de Norwich, où Liam m’avait emmenée après m’avoir trouvée inerte dans ma cuisine. Je ne regardais pas mon père. Comme d’habitude, je méprisais, je dédaignais. Plus le temps passait, et plus l’indifférence me gagnait. Il vint inévitablement un temps où j’étais enfin imperméable aux reproches. Sophie, cependant, semblait davantage clémente. Ce n’était qu’une apparence. « Tu ne peux pas t’éloigner de la maison sans qu’il ne t’arrive une catastrophe. L’autre fois tu es revenue enceinte et cette fois on nous appelle en urgence pour que l’on s’entende dire que tu as frôlé la mort. Mais qu’allons-nous faire de toi? » Mes prunelles grises se fixèrent dans le regard céruléen de ma mère adoptive, mes lèvres demeurant résolument pincées. En réalité, je me serrais les poings, à m’en écorcher la paume de mes longs ongles, luttant contre l’envie grandissante de me rouler en boule et de pleurer toute les larmes de mon corps. Je ne pus faire autrement que d’encaisser bravement, comme à chaque fois. De toute manière, ils n’en avaient rien à faire de mes piètres tentatives de me défendre. «Tu as vingt deux ans ma fille, il serait peut-être temps de prendre tes responsabilités une bonne fois pour toutes. » Je me crispai davantage, mes dents s’entrechoquèrent furieusement, tandis que je déglutissais avec difficulté. Je ne baisserai ni la tête, ni le regard. Je n’étais pas encore tombée aussi bas que d’être en état de soumission. Indifférente, ma mère poursuivit sa diatribe, peu regardante de mon état actuel. « C’est avec toi que Jules doit vivre, c’est toi sa mère. Il est temps que tu élèves ton fils Joséphine. » Je ne pouvais pas protester, quand bien même je l’aurais voulu. « Débrouille toi comme tu veux mais il ira en Angleterre, avec toi. Ta petite mascarade commence à bien faire. Il est hors de question que tu continues à t’amuser comme tu le fais si c’est pour nous refiler ton gosse. Nous ne t’avons pas élevée comme ça, ma fille. Je n’aurais jamais pensé que tu tombes aussi bas que les salopes de ton école. » Salope. Le mot était lâché. Mon cœur manqua un battement, mais je ne cillai pas. À la place, je me contentais d’agripper un peu plus le rebord de la table la plus proche. Je voulais m’y tenir pour ne pas défaillir. Salope. Le mot rebondit dans ma tête plusieurs fois, comme le plus ignoble des supplices, m’écorchant à chaque rebond. Dans un souffle, j’osai enfin répliquer quelque chose. N’importe quoi. Mais par pitié, qu’elle parle! « Tu laisses mon copain en dehors de cette histoire, veux-tu? Ce n’est pas ton problème s’il est plus jeune que moi, c’est le mien, et c’est moi que ça regarde. Je te serais gréée de ne pas te mêler de mes histoires personnelles. » J’étais d’apparence calme et posée, mais en réalité il n’en était rien. Je bouillais de l’intérieur, une colère sourde battait dans mes veines. Sur ce, j’avais tourné les talons, ignorant les cris de ma mère qui m’intimaient pourtant de revenir.
**fin du flashback**
Voilà où j’en étais à présent. Seule, pauvre amoureuse meurtrie. De retour à Norwich, mais je n’étais plus seule désormais. Mon fils habitait chez moi, et Mya le gardait quand j’allais à l’école. Mais tôt ou tard, j’allais devoir trouver une autre nourrice, il arriverait bien un jour le moment où Mya reprendrait à son tour l’école. J’aviserai. C’était en attendant. Et tout aussi en attendant cela était-ce, la situation demeurait pesante. J’étais dans une impasse. Je ne parlais plus à mes parents, Liam m’avait trompée, et je devais m’occuper à présent de Jules tout en essayant de gérer mes cours et les devoirs qui allaient de pair. Je soupirai profondément. Voilà le portrait de cette fin d’année 2010, j’espérais vraiment que 2011 allait se présenter sous de meilleurs auspices. Le robinet continuait de se déverser dans les entrailles de l’école, alors que je m’étais davantage appuyée contre le lavabo, tête baissée. Mes talons claquèrent impatiemment au sol. La porte des toilettes s’ouvrit dans un léger grincement mais je n’en avais cure. Mes prunelles grises demeuraient obstinément closes, mon visage préférait se dissimuler derrière un voile de cheveux clairs. Je n’en pouvais plus de pleurer, ces derniers jours je l’avais fait bien trop souvent.
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Re: what do we deserve now? [Euphrosyne. ]
Lun 3 Jan 2011 - 10:46
J'inspirai lentement, calmant les tremblements violents de ma poitrine. Il ne fallait pas recommencer. Seule et enfermée dans ma chambre, je n'avais pour témoin que ce miroir immense qui s'amusait à m'inonder d'images d'une enfant agenouillée en proie à un combat acharné avec ses démons. Non, la vérité n'était pas exactement comme telle. Je ne me battais pas. Pour une fois, j'avais envie qu'ils me possèdent complètement pour qu'ils s'effacent mieux après. Je n'arrivais plus à penser tant j'étais perdue en moi-même. Tout tournait autour de lui, toujours. Le reste n'était qu'accompagnement, qu'enfoncement dans une situation des plus douteuses. Il y avait celui que j'appelais mon mari. Cet homme que je détestais de tout mon être, cet animal sans scrupule qui trouvait plus de plaisir dans la souffrance des gens que dans leur bonheur. Et je faisais partie de ces gens. Je n'avais pas eu le choix de l'épouser. Il avait menacé mon père de faire sombrer son entreprise, source de tout notre argent et de notre réputation. Alors mon père avait consenti à lui donner ma main, mais j'aurai pu refuser. Sauf que je ne l'avais pas fait, parce que ma famille passait avant tout. Ils n'auraient pas su vivre dans la honte, dans la manipulation et pire encore, dans la pauvreté qui les avait menacés l'espace de quelques jours. Je savais depuis toujours que cet homme, aussi horrible fut-il, nourrissait à mon égard quelque sentiment qu'il voulait harmonieux. Mais je ne partageais pas son avis et depuis notre mariage, je n'avais pas une fois partagé sa couche. Sa violence m'effrayait, son regard pervers aussi. Il pouvait bien aller en voir d'autres, ce qu'il faisait très bien. J'avais simplement envie d'amasser les preuves qui favoriseraient un divorce rapide. Voilà tout.
Et face à ce danger, il y avait Zadig. Zadig qui ne m'aimait pas, Zadig qui m'aimait bien mais juste la nuit. Zadig qui en aimait d'autres comme il l'aimait, Zadig qui ne me rendrait jamais ce que je lui avais donné. Un bout de moi. Je soupira et essuyait mes jours humides. Ils me rendaient folle, pire même. Je ne savais plus ce qu'était une vie tranquille et parfois, il m'arrivait de vouloir retomber en enfance. Mes seuls soucis étaient alors de savoir ce qu'on allait manger au dîner et avec qui j'irai à la fête foraine. Tout cela était si loin ! Je me relevai avec difficulté en prenant appui sur mon lit, puis je parvins à trouver un équilibre à peu près correct. Zadig, que j'aimais bien trop et qui ne m'aimerait jamais assez. Je m'avançai vers le miroir et sourit tristement à ce reflet affligé. Pourtant, je n'étais pas laide, on me complimentait même souvent sur la chance que j'avais de sembler si fraîche et joyeuse. Pour le coup, je ressemblais plutôt à une vieille salade périmée. J'arrangeais mes cheveux en un chignon rapide et lissai ma jupe. Je ne devais pas avoir l'air d'une souillon. Ma mère m'avait appris à sourire même dans la défaite, à toujours montrer un air humble et avenant quoi qu'il arrive. Et moi, j'obéissais, parce que je ne savais faire que ça malgré moi.
Je quittais ma chambre et dévalai les escaliers qui menaient hors de notre salle commune. J'avais envie d'être seule mais les regards qui se posaient sur moi réclamaient des embrassades, des paroles gentilles que je n'étais pas en mesure de donner. Je saluai pourtant mes amis d'un geste flou de la main avant de prendre la poudre d'escampette. Direction le deuxième étage, il serait moins fréquenté que les autres à cette heure de la journée. Je ne savais pas alors où aller, mes jambes décidèrent pour moi. Je poussai la porte des toilettes comme si quelque chose m'y avait amenée et j'entrai, laissant le battant se fermer lentement derrière moi. Mes yeux accrochèrent ses épaules affaissée, ses longs cheveux qui se répandaient autour de son visage alors qu'elle était penchée au-dessus du lavabo. C'était une sorte de fascination. J'en oubliais mon teint blafard et mes cernes et je m'avançai lentement vers elle pour ne pas lui faire peur. Elle n'avait pas bougé à mon entrée, comme si elle vivait dans un autre monde. Je m'adossai au mur qui jouxtait les lavabos de façon à pouvoir voir son visage. Défait, pas loin du mien, peut-être pire encore. Je gardais le silence, ne sachant quoi dire. Il n'y avait pas de mot, et je n'aurai pas apprécié que l'on me dérange dans mon chagrin, ce qui allait être le cas ici. Sauf que je n'avais aucune envie de partir, je savais que je pouvais me rendre utile ici.
Je croisai les bras et esquissai un fin sourire, ombre seule d'une joie feinte. « Lorsque qu'une femme pleure, c'est souvent pour la même raison. C'est à cause d'un homme, ou même de deux, peut-être aussi de trois. Je m'appelle Euphrosyne. Mon mari me trompe et mon amant ne m'aime pas. Si tu veux, on peut aller boire à en perdre la tête pour mieux insulter ceux qui nous rendent la vie difficile. » J'avais essayé d'être joyeuse, peut-être que cela l'aurait aidée. Mais je sentais que rien n'aurait pu apaiser sa tristesse, ce qui me rendait encore plus inutile dans l'histoire. Je m'avançai vers elle et lui prit délicatement le coude pour qu'elle se tourne vers moi. Nos yeux s'arrimèrent et je l'observai un long moment sans rien dire, me contenant de cette expression perdue et abusée que je connaissais que trop bien, car elle était souvent la mienne aussi. Mais sûrement pour des raisons différente. A bien y réfléchir, ma vie avait tout du parfait cliché de série américaine. Quelle chance. Je ne la connaissais ni d'Ève ni d'Adam mais quelque chose passait entre nous. Les femmes avaient ce don de communiquer en silence, de se comprendre malgré les différences qui pouvaient les opposer. Et c'était ce qui se passait entre nous. Bouleversée par ces yeux vides et perdus, je la serrai contre moi dans un geste impulsif et fort. Ses cheveux sentais bon, elle me fit penser à ma mère pendant une fraction de seconde. « Tout ira bien. Même si tu n'y crois pas vraiment, je sais que tout ira bien, tout finit toujours par aller bien. Allez, s'il te plaît, ne te laisse pas abattre, tu es du sexe fort ! » Je reculai un peu et lui souris. Mon humour foireux ne fonctionnait en moyenne qu'une fois sur vingt, peut-être que ce serait la bonne aujourd'hui. Le jour de chance.
Et face à ce danger, il y avait Zadig. Zadig qui ne m'aimait pas, Zadig qui m'aimait bien mais juste la nuit. Zadig qui en aimait d'autres comme il l'aimait, Zadig qui ne me rendrait jamais ce que je lui avais donné. Un bout de moi. Je soupira et essuyait mes jours humides. Ils me rendaient folle, pire même. Je ne savais plus ce qu'était une vie tranquille et parfois, il m'arrivait de vouloir retomber en enfance. Mes seuls soucis étaient alors de savoir ce qu'on allait manger au dîner et avec qui j'irai à la fête foraine. Tout cela était si loin ! Je me relevai avec difficulté en prenant appui sur mon lit, puis je parvins à trouver un équilibre à peu près correct. Zadig, que j'aimais bien trop et qui ne m'aimerait jamais assez. Je m'avançai vers le miroir et sourit tristement à ce reflet affligé. Pourtant, je n'étais pas laide, on me complimentait même souvent sur la chance que j'avais de sembler si fraîche et joyeuse. Pour le coup, je ressemblais plutôt à une vieille salade périmée. J'arrangeais mes cheveux en un chignon rapide et lissai ma jupe. Je ne devais pas avoir l'air d'une souillon. Ma mère m'avait appris à sourire même dans la défaite, à toujours montrer un air humble et avenant quoi qu'il arrive. Et moi, j'obéissais, parce que je ne savais faire que ça malgré moi.
Je quittais ma chambre et dévalai les escaliers qui menaient hors de notre salle commune. J'avais envie d'être seule mais les regards qui se posaient sur moi réclamaient des embrassades, des paroles gentilles que je n'étais pas en mesure de donner. Je saluai pourtant mes amis d'un geste flou de la main avant de prendre la poudre d'escampette. Direction le deuxième étage, il serait moins fréquenté que les autres à cette heure de la journée. Je ne savais pas alors où aller, mes jambes décidèrent pour moi. Je poussai la porte des toilettes comme si quelque chose m'y avait amenée et j'entrai, laissant le battant se fermer lentement derrière moi. Mes yeux accrochèrent ses épaules affaissée, ses longs cheveux qui se répandaient autour de son visage alors qu'elle était penchée au-dessus du lavabo. C'était une sorte de fascination. J'en oubliais mon teint blafard et mes cernes et je m'avançai lentement vers elle pour ne pas lui faire peur. Elle n'avait pas bougé à mon entrée, comme si elle vivait dans un autre monde. Je m'adossai au mur qui jouxtait les lavabos de façon à pouvoir voir son visage. Défait, pas loin du mien, peut-être pire encore. Je gardais le silence, ne sachant quoi dire. Il n'y avait pas de mot, et je n'aurai pas apprécié que l'on me dérange dans mon chagrin, ce qui allait être le cas ici. Sauf que je n'avais aucune envie de partir, je savais que je pouvais me rendre utile ici.
Je croisai les bras et esquissai un fin sourire, ombre seule d'une joie feinte. « Lorsque qu'une femme pleure, c'est souvent pour la même raison. C'est à cause d'un homme, ou même de deux, peut-être aussi de trois. Je m'appelle Euphrosyne. Mon mari me trompe et mon amant ne m'aime pas. Si tu veux, on peut aller boire à en perdre la tête pour mieux insulter ceux qui nous rendent la vie difficile. » J'avais essayé d'être joyeuse, peut-être que cela l'aurait aidée. Mais je sentais que rien n'aurait pu apaiser sa tristesse, ce qui me rendait encore plus inutile dans l'histoire. Je m'avançai vers elle et lui prit délicatement le coude pour qu'elle se tourne vers moi. Nos yeux s'arrimèrent et je l'observai un long moment sans rien dire, me contenant de cette expression perdue et abusée que je connaissais que trop bien, car elle était souvent la mienne aussi. Mais sûrement pour des raisons différente. A bien y réfléchir, ma vie avait tout du parfait cliché de série américaine. Quelle chance. Je ne la connaissais ni d'Ève ni d'Adam mais quelque chose passait entre nous. Les femmes avaient ce don de communiquer en silence, de se comprendre malgré les différences qui pouvaient les opposer. Et c'était ce qui se passait entre nous. Bouleversée par ces yeux vides et perdus, je la serrai contre moi dans un geste impulsif et fort. Ses cheveux sentais bon, elle me fit penser à ma mère pendant une fraction de seconde. « Tout ira bien. Même si tu n'y crois pas vraiment, je sais que tout ira bien, tout finit toujours par aller bien. Allez, s'il te plaît, ne te laisse pas abattre, tu es du sexe fort ! » Je reculai un peu et lui souris. Mon humour foireux ne fonctionnait en moyenne qu'une fois sur vingt, peut-être que ce serait la bonne aujourd'hui. Le jour de chance.
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Re: what do we deserve now? [Euphrosyne. ]
Ven 7 Jan 2011 - 19:24
J’ai toujours eu la ridicule obsession d’être la meilleure, en tout, pour tout. Y compris dans le cœur des gens. Je n’avais pas compris que l’amour des personnes que je fréquentais était extensible à l’infini là où je ne jurais que par l’exclusivité. J’ai toujours voulu être unique dans le cœur de mes proches, occuper une place d’où personne ne viendrait à me chasser, je voulais compter au moins pour quelqu’un. Je n’étais pas la mal aimée, loin s’en faut, je me suis toujours refusée d’être une martyr, peut-être était-ce la faute à ma fierté mal placée, mais je n’étais pas heureuse de tout ce que je pouvais avoir. Je voulais toujours plus, éternelle insatisfaite. Et au fond, cela m’angoissait. J’avais peur d’être bien trop exigeante pour me permettre d’aimer quelqu’un inconditionnellement, quelqu’un qui mériterait toute mon attention. J’avais également cette forte propension à tout idéaliser, mon imagination débridée allant parfois très loin. Je n’avais pas les pieds sur terre, et à chaque fois que la sordide réalité s’imposait à moi, c’était comme autant de claques qui me meurtrissaient. La réalité était bien plus atroce que je ne pouvais le supporter, j’avais besoin de rêver, de fantasmer, d’imaginer ma vie. Mais au fond, je me faisais mal, surtout quand je me rendais compte que rien ne serait jamais comme je le voulais. Sophie l’avait pourtant dit et répété, dans la vie on ne fait pas toujours ce qu’on veut. A la place de mon cœur, il y avait ce gouffre béant dans ma poitrine, un vide abyssal que rien ni personne n’avait jamais su combler. J’ai grandi sans l’amour d’une mère, sans la fierté d’un père. Mes parents n’ont fait que de me brusquer quand bien même j’aurais voulu évoluer tranquillement, à mon rythme. J’avais un frère, mais il n’était plus là. À la place, je passais ma vie dans un cimetière, à contempler la pierre tombale qui portait son nom, espérant de toutes mes forces qu’enfin il me revienne. Mais Dieu était resté sourd à mes prières. Parfois, j’en venais même à me demander à quoi cela servait d’avoir la foi quand cela n’était même plus suffisant pour se relever. J’en étais à un point où je n’avais plus envie de me lever le matin, où je voulais m’endormir pour ne plus jamais me réveiller.
Pourtant, tous me disaient que j’avais Jules, que je devais me battre pour lui. Mon fils comptait beaucoup pour moi, mais ce n’était pas à mon sens une bonne raison de rester. Je ne l’avais pas désiré, ce gosse, et pourtant je l’aimais, comme j’avais aimé son père. J’avais toujours l’espoir ridicule qu’il me revienne même après tant d’années, quand une personne censée aurait renoncé à cette lubie. J’avais le malheur de m’attacher beaucoup trop vite, en particulier quand je ne voulais surtout pas m’attacher. J’avais résisté à Liam, presque inconsciemment. Je ne voulais pas me laisser avoir par son sourire charmant ou son regard d’un bleu profond, j’avais juré de ne plus perdre la tête à cause d’un homme, j’avais déjà trop souffert par le passé pour les mêmes raisons. Et pourtant, mon cœur se tordait dans ma poitrine quand je le voyais, mon palpitant s’affolait à chaque fois que ses doigts joueurs effleuraient ma peau, quand je respirais son odeur que je pourrais reconnaître entre mille. Mais force est de constater que j’étais quelqu’un qui n’apprenait jamais de ses erreurs, ainsi, j’étais par définition vouée à subir le même supplice continuellement, comme si j’avais enfreint une quelconque loi divine. Je soupirai lourdement, sentant mon cœur cogner douloureusement en moi, comme s’il menaçait de sortir de ma poitrine. Je sentais qu’à la prochaine inspiration que je prendrais, je fondrai en larmes. Mon souffle se perdit quelque part dans ma gorge, tandis qu’un frisson me saisit. Mes mains agrippèrent encore plus fort le lavabo, tellement fort que mes jointures en devinrent blanches. Mes paupières se fermèrent en l’espace d’un instant, et quand je les rouvris, le sel de mes larmes me brûlait, marquant au fer rouge ma peau de mon chagrin. Je sentais du mouvement autour de moi, mais je n’en avais cure, je me sentais trop mal pour prêter une quelconque attention au monde extérieur, lequel me paraissait de toute manière bien trop hostile. J’étais immobile, telle une poupée de cire, tout du moins, telle une poupée de cire qui commençait à fondre. « Lorsque qu'une femme pleure, c'est souvent pour la même raison. C'est à cause d'un homme, ou même de deux, peut-être aussi de trois. Je m'appelle Euphrosyne. Mon mari me trompe et mon amant ne m'aime pas. Si tu veux, on peut aller boire à en perdre la tête pour mieux insulter ceux qui nous rendent la vie difficile. » Je relevai la tête à ces mots, mes prunelles métalliques papillonnant sur le visage de la nouvelle arrivante, tentative dérisoire d’identification.
Ne parvenant pas à mettre un nom sur ce visage, je finis par détourner la tête en reniflant piteusement. Je m’en voulais de m’être laissée autant aller, et surtout, que quelqu’un d’autre me surprenne. S’il y avait bien quelqu’un qui n’avait pas le droit de pleurer, c’était bien moi, je m’étais toujours efforcée de rester digne et fière, quoiqu’il arrive, mais il arrivait inévitablement des moments où on ne pouvait plus faire face. J’étais perdue, désabusée, désillusionnée. Le cocon que je m’étais confortablement tissé était en train de se déchirer de part en part. Le constat était on ne pouvait plus douloureux. Mais la dénommée Euphrosyne avait raison. On pleurait toutes pour la même raison. Même si j’avais l’impression de n’être qu’une pleurnicheuse et de pleurer plus que les autres, pour des motifs peut-être bien moins nobles qu’un amour déçu. Je ne réagis pas plus lorsqu’elle s’approcha de moi, geste qui dans un premier temps me surprit. Je n’étais plus habituée à de telles attentions. Combien de fois m’étais-je surprise à espérer avoir un jour des bras dans lesquels pleurer. J’aurais aimé que ce soit ceux de Liam qui m’enserrent à ce moment même, qu’il me dise encore une fois qu’il n’y avait que moi, que j’étais la seule dans son cœur, que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve, que la réalité était bien meilleure. Mais à la place, je pleurais dans les bras de cette fille que je connaissais à peine, pour ainsi dire pas du tout. Liam était bien loin de moi à présent. Sûrement avec Nell. Ils passaient beaucoup de temps ensemble. « Tout ira bien. Même si tu n'y crois pas vraiment, je sais que tout ira bien, tout finit toujours par aller bien. Allez, s'il te plaît, ne te laisse pas abattre, tu es du sexe fort ! » En d’autres temps, cette simple parole m’aurait fait rire, tout du moins sourire. Mais je n’avais pas le cœur à plaisanter, le mien était en miettes, une mare de sang se formait dans ma poitrine dévastée. Je reniflai encore une fois, avant de m’essuyer les yeux, ce qui n’eut aucun effet puisque mes pleurs redoublèrent. « Je… » Je ne savais pas quoi dire en réalité. Je ne voulais pas étouffer cette fille de mes problèmes, ma vie sentimentale on ne pouvait plus foireuse ne l’intéressait sûrement pas. Mais je n’en pouvais plus de garder tout ce mal en moi, j’avais besoin de m’en exorciser pour un temps. « Je suis paumée. » finis-je par avouer, vaincue, tandis que mon cœur se déchirait encore plus. « J’en suis même venue à me demander si ça vaut la peine que je continue, si je dois me battre pour le garder. Je n’en peux plus de me dire que…Qu’il ne m’aime pas, qu’il en préfère une autre. Je n’arrive pas à m’empêcher de les voir ENSEMBLE! » Ma voix était montée dans les aigus alors que j’avais prononcé le dernier mot, complètement anéantie. « Il savait que ça n’allait pas me faire plaisir. Et pourtant il me l’a dit. Il m’a dit qu’il m’avait trompée. » J’avais prononcé les mots interdits, tandis que je mesurais l’ampleur de leur horreur. J’enviais tous ces couples heureux, qui savaient s’aimer simplement, sans secrets, sans mensonges. Serais-je un jour de ceux-là ? J’en doutais réellement, à présent. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’y croire.
Pourtant, tous me disaient que j’avais Jules, que je devais me battre pour lui. Mon fils comptait beaucoup pour moi, mais ce n’était pas à mon sens une bonne raison de rester. Je ne l’avais pas désiré, ce gosse, et pourtant je l’aimais, comme j’avais aimé son père. J’avais toujours l’espoir ridicule qu’il me revienne même après tant d’années, quand une personne censée aurait renoncé à cette lubie. J’avais le malheur de m’attacher beaucoup trop vite, en particulier quand je ne voulais surtout pas m’attacher. J’avais résisté à Liam, presque inconsciemment. Je ne voulais pas me laisser avoir par son sourire charmant ou son regard d’un bleu profond, j’avais juré de ne plus perdre la tête à cause d’un homme, j’avais déjà trop souffert par le passé pour les mêmes raisons. Et pourtant, mon cœur se tordait dans ma poitrine quand je le voyais, mon palpitant s’affolait à chaque fois que ses doigts joueurs effleuraient ma peau, quand je respirais son odeur que je pourrais reconnaître entre mille. Mais force est de constater que j’étais quelqu’un qui n’apprenait jamais de ses erreurs, ainsi, j’étais par définition vouée à subir le même supplice continuellement, comme si j’avais enfreint une quelconque loi divine. Je soupirai lourdement, sentant mon cœur cogner douloureusement en moi, comme s’il menaçait de sortir de ma poitrine. Je sentais qu’à la prochaine inspiration que je prendrais, je fondrai en larmes. Mon souffle se perdit quelque part dans ma gorge, tandis qu’un frisson me saisit. Mes mains agrippèrent encore plus fort le lavabo, tellement fort que mes jointures en devinrent blanches. Mes paupières se fermèrent en l’espace d’un instant, et quand je les rouvris, le sel de mes larmes me brûlait, marquant au fer rouge ma peau de mon chagrin. Je sentais du mouvement autour de moi, mais je n’en avais cure, je me sentais trop mal pour prêter une quelconque attention au monde extérieur, lequel me paraissait de toute manière bien trop hostile. J’étais immobile, telle une poupée de cire, tout du moins, telle une poupée de cire qui commençait à fondre. « Lorsque qu'une femme pleure, c'est souvent pour la même raison. C'est à cause d'un homme, ou même de deux, peut-être aussi de trois. Je m'appelle Euphrosyne. Mon mari me trompe et mon amant ne m'aime pas. Si tu veux, on peut aller boire à en perdre la tête pour mieux insulter ceux qui nous rendent la vie difficile. » Je relevai la tête à ces mots, mes prunelles métalliques papillonnant sur le visage de la nouvelle arrivante, tentative dérisoire d’identification.
Ne parvenant pas à mettre un nom sur ce visage, je finis par détourner la tête en reniflant piteusement. Je m’en voulais de m’être laissée autant aller, et surtout, que quelqu’un d’autre me surprenne. S’il y avait bien quelqu’un qui n’avait pas le droit de pleurer, c’était bien moi, je m’étais toujours efforcée de rester digne et fière, quoiqu’il arrive, mais il arrivait inévitablement des moments où on ne pouvait plus faire face. J’étais perdue, désabusée, désillusionnée. Le cocon que je m’étais confortablement tissé était en train de se déchirer de part en part. Le constat était on ne pouvait plus douloureux. Mais la dénommée Euphrosyne avait raison. On pleurait toutes pour la même raison. Même si j’avais l’impression de n’être qu’une pleurnicheuse et de pleurer plus que les autres, pour des motifs peut-être bien moins nobles qu’un amour déçu. Je ne réagis pas plus lorsqu’elle s’approcha de moi, geste qui dans un premier temps me surprit. Je n’étais plus habituée à de telles attentions. Combien de fois m’étais-je surprise à espérer avoir un jour des bras dans lesquels pleurer. J’aurais aimé que ce soit ceux de Liam qui m’enserrent à ce moment même, qu’il me dise encore une fois qu’il n’y avait que moi, que j’étais la seule dans son cœur, que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve, que la réalité était bien meilleure. Mais à la place, je pleurais dans les bras de cette fille que je connaissais à peine, pour ainsi dire pas du tout. Liam était bien loin de moi à présent. Sûrement avec Nell. Ils passaient beaucoup de temps ensemble. « Tout ira bien. Même si tu n'y crois pas vraiment, je sais que tout ira bien, tout finit toujours par aller bien. Allez, s'il te plaît, ne te laisse pas abattre, tu es du sexe fort ! » En d’autres temps, cette simple parole m’aurait fait rire, tout du moins sourire. Mais je n’avais pas le cœur à plaisanter, le mien était en miettes, une mare de sang se formait dans ma poitrine dévastée. Je reniflai encore une fois, avant de m’essuyer les yeux, ce qui n’eut aucun effet puisque mes pleurs redoublèrent. « Je… » Je ne savais pas quoi dire en réalité. Je ne voulais pas étouffer cette fille de mes problèmes, ma vie sentimentale on ne pouvait plus foireuse ne l’intéressait sûrement pas. Mais je n’en pouvais plus de garder tout ce mal en moi, j’avais besoin de m’en exorciser pour un temps. « Je suis paumée. » finis-je par avouer, vaincue, tandis que mon cœur se déchirait encore plus. « J’en suis même venue à me demander si ça vaut la peine que je continue, si je dois me battre pour le garder. Je n’en peux plus de me dire que…Qu’il ne m’aime pas, qu’il en préfère une autre. Je n’arrive pas à m’empêcher de les voir ENSEMBLE! » Ma voix était montée dans les aigus alors que j’avais prononcé le dernier mot, complètement anéantie. « Il savait que ça n’allait pas me faire plaisir. Et pourtant il me l’a dit. Il m’a dit qu’il m’avait trompée. » J’avais prononcé les mots interdits, tandis que je mesurais l’ampleur de leur horreur. J’enviais tous ces couples heureux, qui savaient s’aimer simplement, sans secrets, sans mensonges. Serais-je un jour de ceux-là ? J’en doutais réellement, à présent. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’y croire.
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